Le Cniid informe, depuis plus de 10 ans, sur les liens entre
incinération et risques sur l’environnement et la santé. Malgré les évolutions
réglementaires et technologiques, le procédé d’incinération reste un producteur
et un diffuseur de substances polluantes dans l’environnement, avec des effets
sur la santé humaine.
L’ÉMERGENCE DES NORMES D’ÉMISSIONS DES
INCINÉRATEURS
Avant 2002, en France, aucune limitation n’était imposée auxincinérateurs, dont les émissions
n’étaient pas contrôlées. Seules quelques recommandations d’exploitation
étaient données dans unarrêté
de 1991.
En 2000, une directive
européenne vient fixer pour la première fois des normes d’émissions pour les incinérateurs (en 1989 une première directive
européenne imposait seulement une limite pour les poussières et le monoxyde de
carbone).
C’est pendant la période légale de transposition de la directive
par les Etats, en 2001, qu’éclate le scandale de la contamination à la dioxinepar l’incinérateur de Gilly-sur-Isère.
Ce sont des concentrations de dioxine 750 fois supérieures aux normes
européennes de 2000 qui sont relevées autour de cet incinérateur savoyard.
Outre la contamination des troupeaux et des produits laitiers, ce sont 82
cancers qui sont constatés à proximité de l’usine. 200 riverains portent alors
plainte. Malheureusement, l’existence d’un temps de latence entre l’exposition
à des substances cancérigènes comme les dioxines chlorées et l’apparition de la
maladie empêche encore aujourd’hui les scientifiques d’établir un lien de
causalité indéfectible. "La mise en danger de la vie d’autrui" ne
sera pas reconnue et les victimes n’obtiendront donc pas justice.
C’est donc seulement en 2002 qu’est pris le premier
arrêté fixant des normes d’émissions contraignantes aux incinérateurs, en transposition de la
directive européenne de 2000. Si ce n’est pas le scandale de Gilly qui a
déclenché l’adoption de cette réglementation, il en a sans doute été l’un des
accélérateurs et il a permis l’émergence dans le débat public de la
problématique "santé et incinération".
LES LIMITES DE LA RÉGLEMENTATION
Si l’arrêté de 2002 a le mérite d’exister, il convient d’attirer
l’attention sur le fait qu’il ne réglemente qu’une vingtaine de polluants
(dioxines et furanes, 9 métaux lourds etc.) sur plus de 2000 molécules mesurées
en sortie de cheminée. Certains polluants, dont les effets, y compris combinés,
sur la santé sont mal ou méconnus, sont donc émis dans l’atmosphère en dehors
de tout contrôle. De même, l’évolution de la composition de nos biens de
consommation, et donc de nos déchets, introduit de nouvelles substances
potentiellement toxiques sur lesquelles ni la science, ni le législateur ne se
pencheront avant d’en avoir constaté les effets néfastes et donc qu’une fois
que le mal sera fait.
Avec le nouvel arrêté incinération d’août 2010, un prélèvement en
semi-continu des dioxines est obligatoire. Cette nouvelle évolution montre bien
que les normes de 2002, présentées pourtant comme "sûres", n’étaient
donc pas suffisantes.
Au-delà des normes en vigueur, ce sont les contrôles de ces
dernières qui posent problèmes : insuffisants et souvent non inopinés, des
rejets importants se produisent toujours, notamment pendant les nombreuses
phases d’arrêts, de redémarrage et de dysfonctionnement des fours où les
systèmes d’épuration et d’analyses peuvent alors être interrompus.
CE N’EST PAS "LA DOSE QUI FAIT LE
POISON"
Les différents polluants émis par l’incinération se retrouvent
dans l’environnement par différentes voies. Une partie de ces substances
chimiques est "bioaccumulée", c’est-à-dire qu’elles sont intégrées en
l’état par les éléments naturels qui deviennent alors des sources de
contamination potentielle pour l’homme.
Les rejets gazeux
Les fumées de l’incinération sont chargées en nombreuses molécules
plus ou moins toxiques pour l’environnement et l’homme. Celles-ci se fixent sur
les particules fines et ultrafines que les systèmes de filtration des
incinérateurs ne sont pas en mesure de capter totalement. Ces particules sont
transportées par les vents dans la zone entourant l’incinérateur, et parfois
bien au-delà. Lorsqu’elles retombent, les polluants qu’elles transportent se
fixent sur les végétaux et peuvent contaminer la chaîne alimentaire jusqu’à
l’homme.
Les mâchefers
Les mâchefers (appelés MIOM pour mâchefers d’incinération d’ordures ménagères)
sont les résidus solides récupérés à la base du four de combustion. Ils
correspondent en tonnage au tiers des déchets brûlés (3 300 000 tonnes
produites en France). Ces déchets, qui contiennent métaux lourds et polluants
organiques (dioxines), sont disséminés sur le territoire, le plus souvent utilisés
en sous-couche routière. Aucune réglementation contraignante n’existant encore
à ce jour, leur potentiel polluant est très largement sous-évalué.
Les rejets liquides
Dans le cas d’un traitement "humide" des fumées de
l’incinération, le processus génère des effluents liquides hautement toxiques
puisqu’ils contiennent les polluants qui ont été extraits des fumées. Ces
rejets liquides sont "pré-traités" à la sortie de l’usine avant
d’être renvoyés dans le réseau des eaux usées, encore chargés de nombreux
polluants.
Les résidus d’épuration des fumées (REFIOM)
Pour "nettoyer" les fumées de l’incinération, on utilise
plusieurs produits chimiques supposés captés une partie des polluants. Une fois
le traitement effectué, ces produits chimiques et les polluants dont ils sont
chargés sont récupérés. Ce sont les REFIOM. Hautement toxiques, ils sont
envoyés en centre de stockage spécialisé pour déchets dangereux. Ils
représentent une source de pollution diffuse de l’environnement à long terme.
Pour certains polluants, comme les dioxines, plusieurs
scientifiques insistent sur le fait que ce n’est pas "la dose qui fait le
poison", mais la durée de l’exposition. Ainsi, les normes, si strictes
soient-elles, sont certes nécessaires mais très loin d’être suffisantes. L’InVS
a publié en 2008 les résultats d’une vaste étude épidémiologique [1] qui montrent qu’autour des usines ayant fonctionné dans les années
1980 et 1990, l’incidence de certains types de cancers dépassent de 7 à 23% la
valeur de référence. Pourtant, à cette époque, les industriels laissaient
entendre que seule de la « vapeur d’eau » sortait des cheminées,
discours encore très largement utilisé aujourd’hui. L’InVS insiste également
sur le fait que, pour mesurer les effets des incinérateurs fonctionnant aux normes
d’aujourd’hui, il faudra attendre la fin d’une période de latence de 5 à 10
ans. Les risques ne sont donc pas écartés, et le renforcement progressif des
normes montre qu’il est impossible de garantir l’innocuité d’un processus comme
l’incinération, dès lors qu’il implique de multiples réactions chimiques.
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